Il y a un long moment que je n’ai pas écrit de billet sur ce blog. En partie parce que je ne ressentais pas le besoin ni l’envie d’écrire, et en partie parce que j’étais trop occupée à vivre, tout simplement. Mais ce n’est pas pour autant que je n’ai rien écrit.
Boulot
Comme certain⸱e⸱s d’entre vous le savent sans doute déjà (je n’ai pas été particulièrement discrète sur la question), mon premier livre est sorti. Il s’agit d’une réédition d’une traduction annotée d’Alice au pays des merveilles publiée en 1937 (écrite probablement vers 1932) par un artiste français oublié, René Bour (1908-1934), qui en avait aussi réalisé les magnifiques illustrations ; j’en ai écrit la préface ainsi que les annotations qui accompagnent le texte. Ce livre est la culmination de plusieurs années de travail et de recherches dans des archives incroyables. Il est aussi le fruit d’une obsession pour un artiste qui méritait bien qu’on lui (re-)fasse une place au panthéon des traducteurs d’Alice, mais aussi, et surtout, de ses illustrateurs. Le livre est disponible aux Presses Universitaires de Liège.
Je n’en ai pas vraiment parlé à grand monde jusqu’ici, mais mon deuxième livre est actuellement en cours d’impression — enfin, je devrais dire « notre », car je l’ai co-édité avec ma collègue et comparse Franziska Kohlt de l’Université de Leeds, mais c’est là que ça se complique, parce que c’est à chacune notre deuxième livre, mais le premier que nous réalisons ensemble ; le travail sur le suivant commencera le mois prochain. Il s’agit ici encore d’un ouvrage consacré à l’univers de Lewis Carroll et qui porte sur une approche multidisciplinaire de L’Autre Côté du Miroir, à paraître chez Peter Lang (Oxford) à l’automne prochain, avec apparemment deux lancements, l’un à Los Angeles et l’autre à Londres, mais je vous en dirai plus au moment venu.
J’ai aussi été invitée à donner une conférence (toujours sur Alice) à la Lewis Carroll Society of North America avec mon collègue Douglas Kibbee où nous avons parlé, à un public venu en nombre et très enthousiaste, des traductions françaises d’Alice et de leurs nuances, et nous avons passé un excellent moment. Et puis, bien sûr, il y a toujours le doctorat, dont je termine à l’instant l’analyse et dont il ne me reste « plus que » la rédaction.
Jon, pour sa part, se plaît à son travail. Il est passé en auto-révision (ce qui signifie qu’on ne relit plus son travail ; c’est une grosse responsabilité mais qui paraît lui convenir) et a terminé le premier niveau de son cours d’espagnol (premier de classe, cela va sans dire). Après un an au bureau, il s’est bien intégré dans son équipe et s’entend comme larrons en foire avec ses collègues les plus proches, à tel point que l’un d’entre eux a emménagé dans notre bâtiment deux étages plus haut. Je ne vous en dis pas plus sur son travail, mais il vous écrira peut-être un jour sur ce blog.
Patrick
Après mûre réflexion, nous avons décidé d’adopter un chat, presqu’un an jour pour jour après que Virgule nous a quittés. Une fois la décision prise, il a fallu pas mal de temps pour décider comment nous allions nous y prendre. En Europe, nous aurions juste attendu que le Système Universel de Distribution de Chats de Gouttières mette un matou devant notre porte un beau matin, mais dans un endroit super urbanisé comme New York, et a fortiori sur une île, ça n’avait pas l’air tellement faisable, et nous en avions un peu assez d’attendre. Ici, il y a deux options : soit on achète un chat dans une animalerie, soit on contacte un des très nombreux refuges. Nous ne voulions pas acheter sachant le nombre d’animaux dans les refuges, donc le choix était évident. Sauf que… il y a des dizaines de refuges indépendants, gérés, d’après ce que j’ai compris, par des mémères ivres de pouvoir qui en profitent pour vous soutirer $200 par animal, et qui ont un processus de sélection pire que celui des institutions internationales (sans déconner, certains formulaires demandent votre revenu annuel et votre statut marital, c’est hallucinant). Bref, nous avions un peu laissé tomber et nous nous faisions à l’idée, à regret, que peut-être nous n’aurions plus de chat, quand j’ai lu un billet sur Reddit qui mentionnait la NYCACC (New York City Animal Care Center, l’équivalent local de la SPA). Nous avons visité leur site Internet et appris qu’ils organisaient un événement mobile (à comprendre, la visite d’une camionnette pleine de chats) à Astoria (juste de l’autre côté de l’East River) le dimanche 17 mars.
La manière dont ça fonctionne est assez étonnante. La camionnette ouvre ses portes à 11h du matin, et les gens font la file une bonne heure à l’avance pour être sûrs d’avoir les « meilleurs » chats. Personnellement, je trouve que c’est vraiment un truc d’Américains, cette manie du « premier arrivé, premier servi ». Bref, nous nous sommes mis dans la file (il devait y avoir sept ou huit personnes devant nous quand nous sommes arrivés, une quinzaine derrière quand nous sommes repartis) et avons attendu pendant presque une heure que ce soit notre tour. À ce moment-là, les volontaires se sont mis à crier qu’il ne restait plus de chatons (ce sont ceux-là que les gens adoptent en premier), et quelques personnes ont quitté la file pour rentrer chez elles. Nous, ça nous arrangeait, parce que nous préférions un adulte de toute façon. Lorsqu’enfin on nous a permis d’entrer dans la camionnette, il devait rester cinq ou six chats. Et ça ne nous a pas facilité la tâche tant que ça, parce que franchement, nous les aurions tous adoptés et ça nous a vraiment demandé pas mal de self-control pour n’en adopter qu’un.
Dans un coin, un chat roux, mince, nous faisait les yeux doux et se frottait aux barreaux de sa cage. Ça n’a pas traîné, c’était d’office avec lui qu’on allait rentrer à la maison. Simmy, deux ans, venait d’être ramené au refuge la veille, après avoir passé plus d’un an avec une famille qui l’avait adopté dans ce même refuge. La paperasse a pris un peu de temps parce que vu qu’il venait de revenir à la NYCACC, son profil n’avait pas encore été mis à jour, et nous avons appris avec étonnement que notre carte IDNYC (une sorte de carte de résident de la ville) nous donnait droit à une réduction sur les frais d’adoption. Nous sommes repartis chez nous avec Simmy, que nous avons rebaptisé Patrick pour lui donner (et à nous aussi) un nouveau départ, prénom qui nous a semblé adéquat puisque nous l’avons accueilli chez nous le jour de la Saint Patrick (en plus, il est roux).
Deux mois se sont écoulés, et Patrick semble s’habituer à nous — et nous à lui. Cependant, il faut bien l’avouer, un jeune chat, c’est très différent d’un chat plus âgé et plus pantouflard. Patrick aime jouer à rapporter la balle, ce qui nous a bien surpris au début (et qui fait beaucoup rire nos invités), monter sur le dos des gens pendant qu’ils vaquent à leurs occupations, et s’y percher comme un perroquet sur un pirate, et manger les plantes vertes (nous avons dû nous séparer de toutes celles qui sont toxiques pour les chats et les autres sont enfermées dans le bureau, mais pas plus tard que ce matin, il a quand même réussi à exterminer les quatre pauvres succulentes que je venais à peine de faire se propager). Il aime aussi et surtout nous réveiller à six heures du matin, peu importe combien de fois on lui explique que ce n’est vraiment pas nécessaire.
New York, New York
Bien évidemment, on a aussi passé beaucoup de temps à découvrir la ville et à profiter de ses avantages. Je ne vais pas y aller par quatre chemins : New York est une ville fabuleuse, pleine de choses à voir et à faire, et de quartiers à explorer. Personnellement, j’adore le côté ville côtière/portuaire, où les saisons s’écoulent au fil de l’eau, et où il est tout aussi facile de prendre un ferry qu’un métro. Dès qu’il fait beau, on prend un bateau pour aller au sud de Manhattan, autour du Pier 17 et de Fulton Street, où subsiste comme par miracle tout un quartier de l’ancien New York, avec ses anciennes halles aux poissons et ses rues pavées. C’est un endroit magique dont je vous parlerai bientôt.
Et bien sûr, il y a toute la richesse de l’offre culturelle qui n’en finit pas de me surprendre. Je pense avoir passé plus de temps au MoMA que dans n’importe quel autre lieu de New York (j’y ai même fait une résidence de recherche dans leurs archives, mais chut !, c’est pour un projet top secret). Je pense n’avoir pas raté une seule des expositions temporaires de la saison, et c’était à chaque fois une grande claque dans la figure sur le plan artistique. C’est mon musée préféré ici (ça aide aussi d’être membre et de ne pas devoir faire la file, hein).
Et puis, il y a aussi Broadway. Je me suis découvert une passion pour les comédies musicales, la dernière en date étant l’excellentissime Sweeney Todd avec Aaron Tveit et Sutton Foster, que j’ai vue en matinée la semaine dernière et qui m’a fait tellement rire que j’en suis sortie en ayant mal aux joues. Et les concerts (mon voisin José Carlos m’a même obligée à aller voir Madonna, j’en suis revenue choquée d’apprendre qu’en fait, je l’adorais), le théâtre (demandez-moi combien de temps j’ai pleuré à la fin d’A Doll’s House), l’opéra (dont les prix sont étonnamment acceptables, tout bien compté), le cinéma (aller voir le dernier Guy Ritchie le jour même de sa sortie, ça claque quand même, et c’est presque aussi cool que les rétrospectives sur Audrey Hepburn de notre cinéma de quartier), les big shows bien américains (comme les Rockettes au Radio City Music Hall), les comedy clubs, le baseball ; bref, vous l’aurez compris, il y a toujours quelque chose à faire ici.
Parfois, c’est la ville elle-même qui décide où nous emmener ; ou peut-être que nos pieds décident pour nous, qui sait ? Je me retrouve régulièrement au Rockefeller Center, à me promener dans les couloirs Art Déco de marbre noir du 30 Rockefeller Plaza, à ne faire rien d’autre qu’imaginer les années 1930. Et puis il y a Central Park qui, au détour d’un chemin de terre, vous enlève à la ville et vous transporte au milieu des bois, où plus rien n’existe que la nature, avant de vous ramener au bord du lac. Au pied du pont, côté Brooklyn, on prend le soleil, un verre à la main, pendant que des pros du hip hop bossent leur dernière chorégraphie, et plus loin s’étire paresseusement l’Océan Atlantique. J’en deviendrais presque poète.
Tiens, j’y pense : dans la chanson New York, New York écrite pour Liza Minnelli et reprise par Frank Sinatra, vous croyez que c’est juste le nom de la ville qui est répété deux fois, ou plutôt que c’est une fois le nom de la ville et une fois le nom de l’état ?
Textes et images ©Carnets new-yorkais.
En savoir plus sur Carnets new-yorkais
Subscribe to get the latest posts sent to your email.